Nous continuons notre semaine dédiée aux métiers du web avec un deuxième décryptage sur le futur du secteur et sur les compétences qui seront nécessaires dans les prochaines années, en partenariat avec IFOCOP. Quelles sont les entreprises qui ont le plus besoin de professionnels du numérique ? Les métiers les plus demandés ? La reconversion peut-elle être un atout ? Éléments de réponses avec Christophe Ollivier et Sami Radi, co-gérants de la société Virtuoworks, entreprise de service du numérique qui propose des prestations de conseil, développement, maintenance et formation dans le domaine des technologies Internet Open Source et du logiciel libre.
Quels types d’entreprises recrutent actuellement à des postes tournés web ?
On peut distinguer deux types d’entreprises qui recrutent dans le Web. Les prestataires de service (en B2B, « Business to Business ») et les entreprises dont le cœur de métier passe par une activité sur le Web (sites e-commerces, sites communautaires, sites d’actualités, etc. ; en B2C, « Business to Consumer »). Par prestataires de services, on entend les ESN (Entreprises de Services du Numérique) qui sont plutôt tournées vers le marché des Grandes Entreprises et des PME/PMI ou les « Web Agency » (agences de communication plutôt spécialisées dans le Web) qui couvrent le marché qui va des Grandes Entreprises aux TPE/TPI. Les « Web Agency » répondent le plus souvent aux besoins liés à la communication et au marketing (réalisation de sites Internet promotionnels, de sites e-commerce, etc.) des entreprises. Les ESN, couvrent également ces besoins ainsi que ceux liés à des besoins métier spécifiques (sites Intranet de gestion, de communication, etc. utilisés au sein des entreprises pour répondre à des problématiques intrinsèques au fonctionnement de l’entreprise).
Les entreprises dont le cœur de métier est lié au Web sont de plus en plus nombreuses. Les changements sociétaux et des modes de consommation ont entrainé le développement rapide d’un ensemble d’acteurs comme Vente-Privée, Meetic ou Viadeo. Parallèlement, certaines activités, historiquement en présence physique, sont devenues principalement virtuelles comme la vente de billets de trains avec Voyages SNCF. Toutes ces entreprises cherchent à recruter des profils orientés Web pour accompagner leurs besoins, ceux des entreprises et, plus généralement, les changements de mode de consommation.
Quels sont les métiers les plus demandés actuellement ?
Les types de métiers les plus demandés dans le Web pourraient être divisés en 3 catégories. Les métiers qui sont liés à la promotion ou à la communication sur le Web (rédacteur Web, en charge de la mise en ligne des contenus et de leur présentation ; rédacteur référenceur Web, en charge de la mise en avant des contenus et de leur visibilité sur le Web ; « Community Manager », en charge de la promotion des contenus et de la communication des contenus auprès du public ; etc.).
Les métiers qui sont liés à l’activité de création de sites Web, conception et développement (développeur Front-End HTML/CSS/JavaScript, qui créé l’affichage d’un site Internet et le rend interactif; développeur Back-End PHP/SQL, qui créé la partie « invisible » d’un site Internet ; développeur Full-Stack HTML/JavaScript/PHP/SQL, qui créé la partie « visible et invisible » ; etc.).
Les métiers « hybrides » mi-fonctionnels mi-techniques qui incluent des considérations liées à la mise en avant du site Web et des considérations techniques (graphiste intégrateur HTML/CSS, qui conçoit la structure et la mise en forme des pages web; « Webmaster », qui assiste les utilisateurs du site Web au quotidien, répond à leurs question, éventuellement corrige des éléments du site Web; chef de projet Web, qui pilote la réalisation d’un projet Web ; etc.).
La donne va-t-elle changer dans les années à venir ? Quels seront les métiers du web qui vont le plus recruter ?
En France, une partie des métiers du Web est concurrencée par des offres de service comparables émanant d’entreprises basées dans d’autres pays. Ces offres de services sont généralement moins onéreuses que le coût d’un salarié en France et surtout, pour certaines, de qualité comparable. Parmi les principaux facteurs qui protègent certains métiers on citera l’expertise et la proximité. Ainsi, des métiers à faible expertise technique tels que graphiste intégrateur HTML/CSS ou à faible expertise fonctionnelle comme « Webmaster » sont amenés à être de moins en moins source de recrutement. Il en va de même pour les développeurs qui ne maîtrisent pas d’outils de productivité (« frameworks » 1 comme Symfony2 en PHP, Angular JS en JavaScript, « CMS » 2 comme Drupal en PHP, etc.).
Les métiers du Web qui seront les plus à même de recruter seront plutôt les métiers tels que rédacteurs, référenceurs, « community manager », chefs de projet, etc. qui nécessitent une bonne connaissance de langue française, du marché, des tendances et des codes sociaux locaux. Mais aussi les métiers de développeurs spécialistes en JavaScript et ses « frameworks »1 ou en « PHP » et ses « frameworks »1 / « CMS »2.
1 Un « framework », littéralement « cadre de travail » en français et, parfois traduit, à tort, en français par « librairie » est un ensemble de programmes informatiques réalisés en respectant certaines bonnes pratiques qui imposent au développeur de programmer d’un certaines façon pour réaliser son projet. En contrepartie, le développeur peut utiliser les éléments de programme informatique du « framework » pour gagner du temps.
2 Un « CMS », littéralement « Système de Gestion de Contenu » en français, est un site Web entièrement configurable pour répondre à un besoin particulier. Un « CMS » couvre généralement la plupart des besoins et pour les besoins qui ne sont pas assurés par le « CMS » on peut utiliser ou créer des modules complémentaires.
Quelles compétences ou types de diplômes sont particulièrement demandés ?
Les compétences qui sont généralement demandées sont, sur un plan humain, le sens du relationnel pour favoriser le travail en équipe et la relation client, le sens de l’organisation pour tenir ses engagements dans de bonnes conditions, le sens de la rigueur parce que l’informatique ne tolère pas les erreurs, le sens de l’autonomie pour ne pas représenter un frein pour les autres participants à un projet. Sur un plan technique, tous les profils doivent connaître le HTML5/CSS3 (dernière version du HTML/CSS) sur le bout des doigts. Pour les développeurs, il est indispensable d’avoir une bonne connaissance d’au moins un des deux langages que sont le JavaScript ou le PHP et d’un « framework » 1 / « CMS » 2 associé à un de ces deux langages.
Les diplômes les plus demandés pour les métiers dans la communication et la promotion sont les diplômes de communication et de journalisme. Cependant les métiers du Web étant relativement jeunes, une partie des diplômés en communication ou journalisme n’ont pas reçu de formation aux technologies Web dans le cadre de leur formation initiale ce qui représente un frein à leur embauche. Pour les métiers techniques, ce sont les diplômes techniques ou d’ingénierie en informatique. Cependant, les diplômés de ces formations sont également absorbés par d’autres branches de l’informatique et pour les plus anciens, ne sont pas formés aux technologies pour le Web.
Assiste-t-on à l’arrivée de nouveaux métiers ou au développement de nouvelles compétences qui viennent compléter des métiers déjà existants ?
La tendance actuelle est au développement du SaaS, de la mobilité, et du développement agile. Derrière ces expressions barbares ce cachent les évolutions notables suivantes. Le SaaS (« Software as a Service », logiciel comme un service), implique que les internautes sont prêts à utiliser des sites Internet comme si il s’agissait de logiciels installés sur leurs propres ordinateurs et, éventuellement, à payer pour avoir accès au service ou à des options du service. Il faut donc faire en sorte que le site Internet se comporte, au niveau de l’affichage et de l’ergonomie, comme un logiciel installé directement sur l’ordinateur.
La mobilité, implique que les internautes souhaitent retrouver le même service sur leurs ordinateurs, leurs tablettes ou leurs téléphones portables. Il faut donc se préoccuper de la portabilité et de la compatibilité du site Web entre ces différents supports. On parle donc de sites Web « mobile first », développés d’abord pour fonctionner sur terminaux mobile (plus contraignant) puis adaptés pour les ordinateurs ; ou de sites Web « hybrides », accessibles sous la forme de sites Internet à l’aide du navigateur Internet ou téléchargeables sous la forme d’application sur un terminal mobile.
Le développement agile, est une forme d’organisation du travail qui consiste à réduire le nombre d’intermédiaires entre le donneur d’ordre qui souhaite obtenir un site Web et l’équipe qui crée le site Web. Le projet fait l’objet d’un premier jet et le développement se fait par améliorations successives de la première version. Le délai entre chaque amélioration présentée au donneur d’ordre étant plutôt court, le donneur d’ordre peut réorienter le projet ou s’assurer qu’il va dans la bonne direction.
Ces tendances ont entraîné l’apparition de nouveaux métiers techniques de spécialistes comme les développeurs JavaScript spécialisés (le JavaScript permet tout aussi bien de développer des sites Web à l’interactivité poussée que des applications mobiles « hybrides ») et les développeurs d’applications Mobile. Pour les développeurs Web en général, ces tendances entraînent la nécessité de se former aux spécificités des terminaux mobiles en termes de présentation, de mise en forme, de technologies utilisées, etc. Enfin, chez les chefs de projet, elle entraîne la nécessité de se former aux méthodes de gestion de projet agile.
Comment anticiper quand on est candidat ou en poste ?
La première chose à faire pour déterminer le métier du Web vers lequel entamer sa reconversion professionnelle est de commencer par s’imprégner. Lire des articles sur les métiers, des témoignages, se renseigner sur les rémunérations, les évolutions mais aussi des articles de journaux et de blogs spécialisés qui donnent des informations généralistes sur l’informatique et le Web en particulier. Rencontrer des informaticiens qui travaillent dans le Web ou d’autres profils, leur poser des questions sur leur vécu, ce qu’ils aiment dans leur travail, ce qu’ils aiment moins.
Il faut avoir conscience que, quelle que soit la formation vers laquelle on s’oriente, la technique sera toujours omniprésente, elle est le support de l’activité si ce n’est le cœur. C’est pourquoi, il est important de s’y confronter un peu en allant lire ou voir un des nombreux cours qu’on trouve sur Internet à ce sujet, en commençant par les notions de base en HTML/CSS.
Quels sont les atouts de la reconversion pour travailler dans le web ?
Les doubles compétences sont particulièrement appréciées dans les métiers du Web liés à la promotion et la communication. Pour ces métiers, une expérience ou un diplôme de formation commerciale, de lettres, de journalisme, de langues, etc. combinée à une expérience ou un diplôme de formation aux métiers du Web est un sérieux atout. Pour les métiers du Web lié à des activités techniques, les doubles compétences sont également très appréciées. Un développeur Web formé aux métiers commerciaux, à la communication, à la comptabilité, etc. sera beaucoup plus sensible aux besoins du donneur d’ordre et, bien souvent, plus à même de comprendre son besoin qu’une personne qui n’a pas ce bagage. Les métiers du Web sont des métiers de l’informatique. L’informatique est la science de la manipulation de l’information. Qui dit science dit technique. Mais manipuler l’information de façon appropriée et la comprendre fait appel à de l’expérience qui a pu être acquise par un parcours professionnel riche.
La semaine prochaine, vous pourrez retrouver un article de témoignages sur ce sujet réalisé en partenariat avec IFOCOP, donnant la parole à encore plus de professionnels qui livreront leur regard sur les évolutions à venir dans les métiers du web.